Un moldu

- Méridith! Méridith! cria Philippe pour tenter de la réveiller.

Elle venait de perdre connaissance. Le sang coulait abondamment de sa cuisse. La plaie s'était visiblement rouverte. Il prit l'un de ses gants, exerça une pression directe sur la blessure et l'attacha avec sa ceinture.

-Quoi faire maintenant?! Elle a besoin de soin, je dois retourner à l'hôpital.

Philippe réfléchit un moment. Méridith semblait convaincue de l'aide que cet endroit pouvait lui apporter.

-Elle a dit qu'on devait s'annoncer à... ce mannequin?!?

Il soupira. Au point où il en était rendu. Pourquoi pas.

-S'il vous plait, j'ai besoin d'aide. Cette jeune femme semble connaître cet endroit et elle a besoin de soin. Elle s'appelle Méridith, il faut l'aider!!! supplia-t-il d'une voix mal assurée.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, le mannequin bougea la tête de haut en bas. Philippe l'ignorait, mais c'était le signal qui annonçait que la vitrine était maintenant accessible.

Méridith revint à elle juste assez pour pousser un gémissement de douleur. Ses yeux roulèrent dans ses orbites et elle sombra à nouveau.

Un sorcier fit soudain irruption par la vitrine, comme si celle-ci s'était dérobée.

-Seamus MacCarty, s'annonça-t-il. Que s'est-il passé? Entrons-la vite! Des moldus pourraient nous voir...

Sans trop y penser, Philippe aida le jeune homme à faire entrer Méridith. Alors qu'il passait la vitrine, il sentit comme un rideau de fines gouttelettes d'eau lui caresser le visage et le dos. Étrangement, cette sensation le calma de tout le stress qu'il venait de vivre dans les dernières minutes. Mais quel était donc cet endroit, pensa-t-il, et qu'était donc un moldu?!

-Elle vient de perdre connaissance. Elle a une plaie ouverte à la cuisse et perd énormément de sang. Elle dit connaître cet endroit et que vous pouvez l'aider...

-Vous êtes au bon endroit, monsieur, calmez-vous, on s'occupe d'elle, dit alors Seamus.

Deux autres infirmiers arrivèrent précipitamment avec, à la main, en genre de bâton et une civière qui semblait flotter toute seule. Rapidement, ils installèrent Méridith sur la civière et disparurent derrière une porte. La salle d'urgence sûrement, pensa Philippe. Seamus le remercia d'avoir amené Méridith et l'invita à aller l'attendre au cinquième et qu'il viendrait lui donner des nouvelles dans peu de temps. Alors que l'infirmier passait lui aussi la porte, Philippe prit une grande et longue respiration, comme s'il avait retenu son souffle depuis une heure. Il réalisa ensuite que cet endroit était quelque peu étrange.

À chaque pas que Philippe faisait pour se rendre vers l'ascenseur, il allait de surprise en surprise. Il vit, un homme avec une théière en guise d'oreille, un enfant qui flotte comme un ballon, une dame avec des flammèches qui lui sortent des narines et une jeune fille qui semblait incapable de ne pas danser la claquette. Alors que tous ces gens lui semblaient si étranges, Philippe fut consterné de constater que c'est lui que l'on dévisageait. Comme s'il n'avait pas été à sa place.

C'est alors qu'il vit un écriteau qui disait ceci:
L'hôpital Ste-Mangouste pour les maladies et blessures magiques.
Rez-de-Chaussée: Accidents matériel
Premier étage: Blessures par créatures vivantes
Deuxième étage:Virus et microbes magiques
Troisième étage: Empoisonnement par potion et plante
Quatrième étage: Pathologie des sortilèges
Cinquième étage: Salon de thé/Boutique de l'hôpital

-Qu'est-ce qui se passe ici... est-ce que je rêve?!

Méridith était allongée sur son lit du quatrième étage de l'hôpital Ste-Mangouste depuis quelque temps déjà lorsqu'elle émergea de son inconscience. Elle sentait que quelqu'un se tenait prêt d'elle. Un médicomage? Elle se surprit à espérer que ce soit Philippe...

Lorsqu'elle s'était réveillée plus tôt, dans la salle d'urgence, on lui avait expliqué que les traitements que lui avaient fait subir ces moldus l'avaient probablement sauvée, malgré le retard que cela lui causerait dans la guérison des séquelles magiques dues aux mauvais sort lancés par le Mangemort. On lui avait donné, coup sur coup, toute une série de potion de regénérésance sanguine et de réduction des effets nocifs du sortilège, ce qui lui procura un nombre impressionnant d'effets secondaires tels que la vision trouble, des nausées et des bouffées de chaleur insupportable. C'était sans compter la douleur que lui provoquait les sortilège de renversement de mauvais sort que lui lançait, aux 2 minutes, le médicomage de garde à la salle d'urgence! Elle avait hurlé pendant de longues minutes, paniquée, avant de retomber, à son grand soulagement, dans l'inconscience. Combien de temps était-elle restée à la salle d'urgence? Elle ne le sut pas. Au moins 4 heures. 4 longues heures au cours desquelles on lui avait lancé plusieurs fois le même sortilège de renversement de mauvais sort qui l'avait fait se tordre de douleur dans son inconscience.

Elle ouvrit les yeux. Elle avait toujours la vision trouble. Elle n'arrivait pas à reconnaître celui qui se trouvait à côté de son lit.

-Philippe? risqua-t-elle d'une toute petite voix tremblante. C'est vous?

Un médicomage entra sur le fait dans la chambre et s'adressa à Méridith.

-Heureux de voir éveillée Miss Mitchel. Le ministère a été averti de votre arrivée et Monsieur Potter nous a demandé de vous faire savoir qu'il passerait vous voir sous peu.

-Le ministère? Comment avez-vous su que...

-Votre baguette. On a un système d'identification pour les patients qui nous arrivent dans un état tel que le vôtre. Quand on a su que vous étiez Auror, on a pensé que le ministère voudrait savoir ce qu'il en est de votre situation. Comment allez-vous? C'est encore douloureux?

Méridith tenta de se relever un peu, mais se ravisa rapidement. Elle avait la sensation qu'un hippogriffe lui avait passé sur le corps.

-J'ai mal... partout. À la cuisse surtout. Et j'y vois rien...

-C'est normal. Ce sont les sortilèges de renversement... et... je suis désolé, mais je suis là pour vous en administrer un autre. Prenez une grande inspiration...

Méridith n'eut même pas le temps de le questionner que le médicomage brandit sa baguette sur sa cuisse.

-AAAAHRRrrrrrg! hurla-t-elle sans avoir pu se retenir. Ça fait mal, ça fait mal, ça fait mal, ça fait mal...

Elle tâta vers sa gauche à la recherche d'une main à agripper. Celle de Philippe.

Philippe était assis dans le salon de thé du cinquième depuis une bonne vingtaine de minutes à se poser encore et encore les mêmes questions. Avait-il bien lu le panneau? Avait-il rêvé?

Plusieurs choses étranges s'étaient passées et se passaient encore autour de lui. Le centre de soin, malgré tout, avait un air plutôt bien organisé et professionnel... outre les pathologies mentionnées sur le panneau, on aurait pu confondre cet endroit avec un vrai centre hospitalier.

Avec toutes les preuves qu'il y avait devant lui, il ne pouvait qu'en venir à une seule conclusion; qu'il refusait pourtant à accepter. Il avait basculé dans un monde magique!

Les heures passèrent et l'infirmier vint lui donner des nouvelles de Méridith. Elle était tirée d'affaire et Philippe pouvait maintenant aller la rejoindre. Il entra dans sa chambre et la trouva endormie. Il tira une chaise et l'observa tout en se questionnant toujours. Qui était-elle réellement? C'est alors qu'elle remua et montra des signes d'éveil. Lorsque'elle prononça son nom, Philippe eut cette drôle de sensation... celle qu'il n'avait pas eue depuis longtemps... celle qui, lorsqu'elle vous assaille, vous faisait sentir amoureux.

Ben voyons! pensa-t-il en secouant la tête, je la connais à peine!

Il s'avança tout de même pour lui répondre quelque chose lorsqu'un homme en blouse verte entra dans la chambre. Ce qu'il entendit et vit par la suite le laissa pantois. Comment cette magie était-elle possible?! Les hurlements de Méridith lui brisaient le coeur. Il saisit sa main et lui murmura à l'oreille:

-Je suis là Méridith... je suis là, c'est presque fini lui affirma-t-il sans réellement le savoir, question de simplement la rassurer.

Dans sa douleur, Méridith entendit une douce voix grave l'accompagner. Elle l'apaisait... Au son de la voix sécurisante de Philippe, elle s'endormit sitôt le médicomage sorti. Elle ne sut combien de temps elle avait dormi, mais lorsqu'elle se réveilla à nouveau, Philippe était toujours là.

Elle cligna des yeux et lui sourit timidement. Maintenant qu'elle avait repris le contrôle d'elle même, elle réalisait que Philippe avait dû passer par toute une gamme d'émotions, dont celle de l'incompréhension de ce que se passait dans cet hôpital!

-J'imagine que je vous dois quelques explications maintenant? demanda-t-elle un demi-sourire aux lèvres.

Elle se releva maladroitement dans son lit replaça ses mèches rebelles qui lui bloquaient la vue et les coinça derrières ses oreilles.

-D'abord, je tiens à vous remercier d'être encore ici... avec moi. Vous auriez pu quitter rapidement après avoir compris quel était ce lieu! Je ne vous en aurais pas voulu... Mais vous voilà, et sachez que je l'apprécie. Vraiment.

À sa grande surprise, elle eut un trémolo dans la voix. Pourquoi était-elle si émue? Peut-être parce qu'il était, comme elle, un Québécois et que ça lui rappelait sa famille... ou peut-être pas. Elle toussota avant reprendre la parole.

-Comme vous vous en doutez, ce n'est pas un hôpital ordinaire ici. On y soigne des gens un peu spécial. Des gens, comme moi, qui ont un certain pouvoir. Ou un don si vous préférez cette expression. Je... je ne suis pas supposée vous parler de tout cela. Les moldus, enfin, les gens sans pouvoir magique comme vous, sont supposés tout ignorer de l'existence des sorciers. C'est par accident que j'ai été emmenée dans votre hôpital...
Une toux soudaine l'interrompit. Elle n'avait pas parlé depuis trop longtemps et sa gorge était atrocement sèche.

Philippe était rassuré que Méridith fut entre de bonnes mains. L'inquiétude l'avait atteint plus qu'avec aucun autre patient. Les cris de la belle rousse le faisait souffrir certe pas plus que Méridith mais assez pour le boulverser au complet.

Il caressait doucement ses cheveux, lorsqu'elle s'éveilla à nouveau. Rapidement, il retira sa main, comme un gamin sur le point d'être surpris.

- Vous semblez beaucoup mieux, avanca Philippe, on viendra porter un plateau pour le dîner si vous avez faim. J'aurai d'ici là quelques questions pour vous.

Sa maladroite réplique cachait un inconscient désir d'en connaître davantage sur cette mystérieuse fille et n'avait aucun but professionnel.

- Qui êtes-vous ?

Méridit fut prise de court. Qui était-elle?

-Euh... c'est un peu compliqué. Je suis... Méridith. C'est tout. Je ne suis pas différente des autres femmes. Je suis née près de Montréal, j'ai grandi puis, vers l'âge de 12 ans, j'ai appris ce que vous avez appris aujourd'hui: je suis une sorcière.

Elle se mordit la lèvre, attendant axieusement sa réaction.

- Une sorcière?! est-ce vraiment possible? Vous voulez dire que vous pouvez faire des tours de passe-passe comme un magicien de coin de rue ?

Elle soupira, un sourire aux lèvres. Pourquoi les moldus comparaient toujours les sorciers aux charlatant moldus de coin de rue?! Elle vit sa baguette déposée sur sa table de chevet.

-Accio Baguette, dit-elle avant de s'emparer de celle-ci qui venait de voler vers elle. On a besoin de ça. Comme vous avez pu le voir avec ce médicomage, ajouta-t-elle ne pointant sa cuisse.

Elle prit ensuite un verre qui se trouvait aussi sur sa table de chevet et y versa de l'eau au moyen d'un sort très simple:

-Aquamenti!

Elle but goulument l'eau fraîche qu'elle avait fait apparaître. Elle se rendit compte qu'elle avait très soif.

-Philippe, je dois vous demander quelque chose... pouvez-vous garder un secret?! demanda-t-elle en le fixant intensément des yeux.

- Oui, bien sûr, répondit-il bouche bée de ce qu'il venait de voir.

-C'est primordiale que vous ne parliez jamais, à personne, de ce que vous avez vu aujourd'hui. Les moldus et les sorciers ont toujours vécu ensemble, mais sans jamais se mélanger... les moldus ne doivent pas savoir que nous existons. Vous comprenez...

Méridith ne savait pourquoi elle lui demandais de garder un tel secret. Normalement, il lui aurait suffit de lui modifier la mémoire comme on fait avec n'importe quel moldu. Mais elle se refusait à le faire. Comme si tout ce qui leur était arrivé les avait raprocher, d'une certaine manière.

Philippe ne savait trop comment réagir à ce secret. Sur le coup, il ne pensait pas que ce fut si important comme secret.

- Suis-je le seul qui connais votre existance? La ville entière connait pourtant ce vieux bâtiment qui abrite cet hôpital.

Méridith leva les épaules.

-Non, vous n'êtes pas réellement le seul, mais très très peu en on connaissance. Par exemple, les parents d'un enfant né de moldu qui apprend à 11 ans qu'il est sorcier et qu'il est invité à étudier à l'école de sorcellerie de Poudlard connaissent l'existence des sorciers. On ne saurait séparer des enfants de leurs parents sous préexte de garder le secret international! Mais on compte sur eux pour qu'ils n'en parlent pas. Pour ce qui est de l'hôpital, et bien, les gens passent devant sans s'en rendre compte depuis plusieurs années... vous-même m'avez parler de l'aspect délabré avant qu'on arrive... c'est signe que tout le monde connait la batisse, mais qu'elle passe innaperçut!
Elle s'arrêta, soudain épuisée. Il y avait tant à lui expliquer! Il lui faudrait surement plusieurs jours pour y arriver...

-Est-ce qu'on peut se tutoyer? On viens du même pays après tout! lança-t-elle un sourire aux lèvres.

-Oui, on peut se tutoyer si vous... si tu veux, hésita Philippe un instant par souci de professionnalisme, mais on en était plus là pensa-t-il.

- Alors, il existe une école de sorcellerie? s'étonna Philippe.

-Mais bien sûr qu'il y a une école! Vous imaginez...

Méridith s'arrêta, consciente qu'elle l'avait vouvoyé alors qu'elle venait tout juste de lui demander le contraire. Elle ricana avec de se reprendre.

-Je veux dire, t'imagines ce que ce serait si les enfants sorciers commençaient à expérimenter leurs pouvoirs ici et là sans structure?! Ce serait l'anarchie et surtout, la sécurité publique en mangerait un coup! Non... Poudlard est un endroit tout indiqué pour l'éducation de cette jeunesse frivole! C'est un lieu secret très en retrait de la civilisation. C'est la même chose au Québec tu sais? Te souviens-tu, dans la voiture, quand je t'ai dis que j'avais fait mes études dans nord? Et bien, l'École de sorcellerie de la Corriveau se trouve également en retrait, comme Poudlard!

Elle lui fit un grand sourire. Parler de son chez soi avec quelqu'un qui pouvait comprendre lui faisait du bien. Elle avait beau s'être exilée à Londres, son Québec natal lui manquait. Mais comme tout cela devait parraître étrange aux yeux de Philippe! Que de nouveauté en si peu de temps! Ells s'inquiéta de lui...

-Comment tu te sens d'apprendre tout ça? lui demanda-t-elle doucement...

- J'avoue être plutôt décontenancé, je ne sais plus vraiment quoi penser de la réalité. Quelle est la part de magie dans l'univers que je connais? Y a-t-il des évènements qui... ?

Philippe pensa soudainement à son père, à "l'accident" qui l'avait tué il y a maintenant quinze ans et aux fâcheuses répercussions sur la vie familiale. Il était seul témoin de cet évènement et il était jeune. Son témoignage n'eut aucune valeur pour les enquêteurs. Sa mère et son frère l'ont cru fou et le croient sûrement toujours, mais Philippe était convaincu à l'époque qu'une chose, un être maléfique était la cause de la mort de son père. Il avait bien sûr refoulé ses souvenirs jusqu'à aujourd'hui.

Philippe se ressaisit et retint un sanglot.

- Je dois te poser une question Méridith, mais avant, je dois te dire que j'ai entendu des choses sur toi. Pendant que j'attendais des nouvelles du médicomage comme vous dites, des voix se sont levées et disaient que tu avais combattu un Mangemort et que tu étais chanceuse de vivre encore. Philippe retenait mal ses émotions qui s'emmêlaient. Il poursuivit :

- est-il possible qu'un Mangemort comme celui qui t'a attaqué ait pu tuer mon père il y a quinze ans?

Méridith fut saisi par le sanglot manifestement retenu par Philippe. D'apprendre qu'une société secrète telle que celle des sorciers pouvait en effet provoquer toute une gamme d'émotions... mais comme cela, c'était plutôt rare. Puis elle comprit. La question de Philippe laissait présager le pire. Elle pinça les lèvres, comme pour prendre le temps de bien chercher ses mots. Elle se devait d'être délicate.

-Je dois dire que c'est malheureusement une possibilité. Les Mangemorts, c'est une organisation qui oeuvre principalement en Angleterre, mais il y en a une semblable au Québec. Ils étaient très actifs il y a 15 ans. J'ai connu des collègues chez les Aurors (l'organisation sorcière qui ressemble à la police...) qui ont travaillé sur ces dossiers avant que j'aie terminé mes études.

Elle se releva dans son lit de façon à pouvoir poser une main sur l'épaule de Philippe.

-Je suis désolée... Est-ce que je peux te demander ce qui s'est passé exactement? Peut-être que je pourrais faire des recherches et, je sais que c'est un peu tard, mais il se pourrait que tu sois en mesure de comprendre certaines choses qui jusqu'ici te paraissait comme un peu fou. À moins que ce ne soit trop douloureux? C'est comme tu veux.

- S'il est possible d'en savoir plus, j'aimerais bien éclaircir ce qui s’est produit.

Philippe n'était pas certain que ce soit une bonne idée d'ouvrir cette vieille plaie, mais enfin quelqu'un semblait croire ce qu'il avait vu, alors il valait sans doute mieux en parler maintenant.

- Nous étions partis à la chasse, mon père et moi. Nous étions à Entrelacs, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Rawdon. Par le passé, nous allions plus près de chez nous, près de la ville de Québec où j'ai grandi, mais cette année là, mon oncle, le frère à mon père nous avait invités à chasser sur sa nouvelle propriété, une terre de plusieurs arpents. Quelques semaines avant l'ouverture de la chasse, mon oncle nous fit visiter ses caches et un cabanon qui allait nous abriter pour la nuit. Étrangement, il appelait cet endroit son "BUNKER".

Philippe prit un moment pour rire et poursuivi.

- Mon oncle disait que cet endroit nous protègerait quoiqu'il arrive. Sauf que les murs semblaient faits de papier. Ci mince que je voyais difficilement comment ils auraient pu nous protéger d'un ours.

- Toujours est-il qu'à la fin de notre première journée de chasse, nous avons tiré sur un chevreuil.

Philippe continua malgré ses yeux en larme.

- Alors que mon père s'apprêtait à achever la bête, j'ai vu un brouillard intense nous envelopper et j'ai vu tout à coup un être voilé de noir s'abattre sur mon père. J'ai eu si peur que j'ai couru jusqu'au "BUNKER" et m'y suis réfugié. J'ai senti cette chose tournée autour du cabanon à me traquer. Puis elle partit comme elle était arrivée, mais en me laissant seul, terrorisé dans un coin de l'abri.

- Plusieurs jours plus tard, des enquêteurs ont cherché à savoir ce qui s'est produit. Ne croyant pas ma version, ils ont classé cette affaire comme un accident de chasse.

Philippe avait terminé de raconter son histoire à Méridith, mais il ne disait plus rien en fixant le sol, perdu dans ses pensées

Méridith écouta attentivement le récit de Philippe. Elle avait été touchée par son histoire et encore plus qu'il accepte de lui en parler. Plusieurs choses ont attiré sont attention. Des choses qui laissaient penser qu'effectivement, il y avait un de la sorcellerie là-dedans...

Il y avait d'abord le Bunker... comment un cabanon aurait pu arrêter un mage noir? Ce cabanon avait-il subi quelques ensorcellements de protection?

-Parle-moi un peu de ton oncle... comment s'appelait-il, quel était son métier, est-ce qu'il était, disons... un peu original?

Elle le soupçonnait de faire partie du même monde qu'elle... Philippe aurait-il une part de sang sorcier dans les veines?! Et si c'était le cas, comment son oncle avait-il pu être mêlé à cette affaire? Méridith réfléchissait à toute vitesse. Les pièces du puzzle se mettaient en place, comme c'était le cas lorsqu'elle travaillait sur une enquête.

Sauf que cette enquête était un peu spéciale... elle ne savait trop pourquoi, ni comment, mais elle se sentait comme liée à Philippe, d'une certaine façon, et elle voulait l'aider à tout prix!

- Mon oncle!?! euh... Philippe s'étonna que Méridith veuille en savoir plus sur le frère de son père. Il réfléchit un moment puis dit ce qu'il savait :

- Il s'appelle Marius Ouellet. Aux dernières nouvelles, il vivait toujours à Entrelacs et travaillait comme antiquaire. Je ne l'ai revu que deux fois après la mort de mon père. J'ai cru comprendre qu'il se sentait très responsable de la mort de son grand frère. Il vit en ermite depuis ce temps.

Méridith fronça les sourcils. Marius Ouellet... ce nom lui disait quelque chose. Elle ouvrait la bouche pour questionner Philippe à nouveau lorsqu'elle s'arrêta net. Marius Ouellet... antiquaire... près de Rawdon.

-Le vendeur de baguettes! murmura-t-elle plus pour elle-même que pour Philippe. Non... c'est pas vrai!?

Elle dévisagea Philippe un instant. Le monde était tellement petit! Quelles étaient les chances qu'elle et Philippe, le fils du frère du plus grand vendeur de baguettes du Québec se rencontrent un jour? À Londres qui plus est! Tous les petits sorciers qui étudiaient à l'école de sorcellerie de la Corriveau près de Rawdon passaient par la ''boutique d'antiquaire'' de Monsieur Ouellet pour se procurer sa baguette avant d'entreprendre ses études. TOUS! Elle s'en souvenait comme si c'était hier. Monsieur Ouellet l'avait vu arriver de loin avec sa chevelure et l'avait taquiné à ce sujet. Il l'avait mesuré pour ensuite disparaître dans son arrière-boutique. Elle avait fait quelques pas pour visiter les lieux en attendant. Les articles que vendait ''l'antiquaire'' étaient magnifiques... de vieux livres poussiéreux reliés de cuir, une vieille carabine qui semblait dater des patriotes, des coffres de cèdre... Puis il était revenu avec une baguette. SA baguette.

Comme Méridith l'avait toujours à la main depuis qu'elle s'en était servi pour faire apparaître de l'eau, elle baissa les yeux et la caressa du bout des doigts. Bois d'érable et crin de licorne. Rigide. Légère et maniable. Que de souvenirs...

Puis elle releva les yeux et constata que Philippe était toujours là. Il devait se poser des questions.

-Philippe, je ne sais pas comment te dire ça mais... Monsieur Ouellet, je veux dire, ton oncle, il est... C'est...

Comment lui annoncer la nouvelle? C'était délicat. Il fallait pourtant qu'il sache. Il n'avait pas besoin de savoir tout tout tout. Pas tout de suite en tout cas. Elle décida d'aller au plus précis.

-Ton oncle est un sorcier. Comme moi. Il est très connu dans le monde des sorciers. Au Québec en tout cas. Je ne peux pas t'en dire plus sur ce qui s'est passé ce jour-là à la chasse avec ton père... pas encore en tout cas. Mais ce que je peux te dire, c'est que le tourbillon que tu as senti tourner autour de toi et du cabanon c'était probablement des mages noirs. Je ne sais pas ce qu'il cherchait, mais ça m'a tout l'air que ton oncle était impliqué. Surtout si tu dis qu'il s'en est toujours voulu... Le bunker a été ensorcellé probablement par ton oncle et c'est ce qui t'a protégé. Écoute, dès que je sors d'ici, je vais faire tout ce que je peux pour trouver ce qui s'est réellement passé. Je te dois au moins ça! Après tout ce que tu as fait pour moi!

Il lui avait sauvé la vie! Ce n'était pas rien!

-Au fait, merci. Merci beaucoup... dit-elle d'une toute petite voix, émue.

- C'est mon travail de sauver des vies. Philippe était touché par les remerciements de Méridith.

- Un sorcier! Alors mon oncle est un sorcier, s'exclama Philippe

Philippe n'en revenait pas. Il ignorait beaucoup plus de choses sur son oncle qu'il le pensait. Après un moment à y réfléchir, certains morceaux du casse-tête prenaient place. Il avait visité, plus jeune, la boutique d'antiquité de son oncle et celui-ci lui avait montré des choses assez bizarres. Des livres dont les images bougeaient, des cartes topographiques aux reliefs changeants et autres trucs mystérieux. Pour un enfant de dix ans, c'était dur de départager le réel du magique.

- Méridith, j'aimerais bien enquêter avec toi. Résoudre cette énigme qui dure depuis trop longtemps maintenant. Et prouver à ma mère que j'avais raison.

Méridith sourit à Philippe. Elle adorait les défis, et cette enquête en était tout un!

-Ça va me faire plaisir Philippe.

Savait-il tout ce à quoi il s'exposait en voulant rouvrir cette plaie? Méridith en doutait. Mais il semblait prêt.

Elle eut soudain un frisson et remonta ses couvertures jusqu'à son menton. Elle ferma les yeux, juste quelques secondes, pour reprendre ses énergies. Mais déjà, elle sombrait dans les bras de Morphée... elle était exténuée. Il lui faudrait reprendre des forces.

Dans son sommeil, elle rêva de Philippe et de son oncle.


FIN
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